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Réussir son projet industriel - de la stratégie des opérations à l’excellence industrielle

Création de valeur ajoutée et d’emplois, exportations, souveraineté dans des secteurs stratégiques, pour toutes ces raisons la France a besoin de muscler son industrie. La réussite d’un projet industriel connait différents déclencheurs. Roberto Maroncelli, DG et Jean-Marc Giraudeau, VP au sein du cabinet de conseil EFESO France, nous les dévoilent.

Quasiment aucun masque produit en France, pas de vaccin disponible à temps, en panne de semi- conducteurs. La crise Covid a révélé la dépendance de notre pays au marché mondial pour trois produits manufacturés essentiels voire vitaux. Et combien d’autres ? C’est le triste résultat de la désindustrialisation qui affaiblit la France depuis plusieurs décennies et ce, plus sévèrement encore que ses voisins européens. Dans l’Hexagone, l’historique « secteur secondaire » ne contribuait plus, en 2018, qu’à hauteur de 13,4% à la valeur ajoutée produite au niveau national contre près de 19% en 2000... En Allemagne et en Italie, la contribution de l’industrie à la richesse nationale était encore de 25,5% et 19,7%* respectivement en 2018. Eloquent !

Si la souveraineté industrielle revient en force dans les discours des décideurs politiques, des acteurs économiques, des médias et même des citoyens, reste à savoir comment lui donner corps ? Les réponses traditionnelles ont atteint leurs limites. Un exemple. Pour augmenter la productivité d’un site de production, il ne suffit plus d’équiper ses lignes de machines plus modernes. Ce serait une fuite en avant, une technologie chassant l’autre... Mieux vaut repenser l’organisation du travail sur le site de bout en bout, de la réception des matières premières à l’expédition des produits finis (cf encadré sur le Greenfield 4.0). Ou créer les conditions favorables à la bonne montée en régime des nouveaux outils industriels – usine ou ligne de production (cf encadré sur l’Early Equipment Management).

 

Les solutions sont nombreuses même si la conjoncture n’est pas favorable. « Le retour de l’inflation et les difficultés d’approvisionnement dans tous les secteurs, obligent de nombreux industriels à repenser leurs modèles opérationnels afin de protéger leur rentabilité », souligne Roberto Maroncelli, le Directeur Général du cabinet EFESO Management Consultants spécialisé en stratégie opérationnelle.

Jean-Marc Giraudeau, Vice-président du cabinet se veut rassurant : « Aujourd’hui, il est possible de relancer l’excellence opérationnelle grâce à des leviers stratégiques non disponibles il y a encore 5 ou 10 ans. » Le facteur humain, par exemple, est appréhendé sous un jour nouveau. « On sait que les équipes acceptent un nouvel outil industriel – usines ou machines – à condition de le comprendre et d’y être associées. Cela passe par des prises de parole individuelles et collectives pour trouver du sens à l’action et adhérer au projet », détaille Jean-Marc Giraudeau (cf encadré sur l’Accompagnement humain).

Cas client: refonte des schémas directeurs industriels (SDI)

Quand il fait appel au cabinet EFESO au printemps 2021, ce spécialiste français de la dermo-cosmétique (~2 Mds€ de CA) se pose une question. Pourra-t-il absorber une croissance de 4 à 5% par an jusqu’en 2030 avec ses 6 sites de production ? Réponse positive trois mois plus tard. Oui à condition de repenser son schéma directeur industriel. C’est le diagnostic des consultants d’EFESO et des membres de la direction de l’industriel après leur travail d’analyse conjoint. Reste à mettre l’organisation en phase avec l’objectif.

La réorganisation qui s’achèvera fin 2023 prévoit la redistribution de plusieurs lignes de production entre les usines avec une règle : spécialiser les sites de productions autour des marques et des technologies, ce qui n’était pas le cas jusque-là. Aujourd’hui, alors que plusieurs lignes sont transférées, les bénéfices sont déjà significatifs :

La productivité a gagné 15% suite à l’affectation des lignes de production - désormais en capacité de fonctionner en 3/8 – à une seule marque/ technologie. Lorsque toutes les lignes auront été déplacées, les gains attendus en productivité seront importants (supérieur à 20%) avec une saturation correcte des outils industriels.

Autre effet positif : les flux logistiques intersites sont réduits d’environne 10 %. Avant la réorganisation, une partie des matières premières – pourtant produites près d’une usine du groupe - étaient transportées vers une autre usine pour fabriquer une partie des produits de la marque. Le bénéfice est aussi environnemental : la réduction des transports a un impact direct et positif sur le bilan des émissions de CO2 du groupe.

Cas client: Early Equipment Management (EEM)

Chaque semaine de retard dans le redémarrage de l’une de ses usines coûte des millions d’euros à cet industriel de l’agroalimentaire. Cette fois, il s’agit de modifier des lignes de fabrication - principalement d’emballage – puis de relancer pas moins de 6 de ses 23 usines en Europe. C’est là qu’intervient EFESO. Sa mission : piloter l’ensemble du processus : de la modification sur les lignes de fabrication au redémarrage des sites en 6 semaines contre 3 à 6 mois jusque-là. Promesse tenue dans les deux premières usines où les interventions ont été effectuées courant 2022. Les usines ont toujours retrouvé leurs volumes de production en respectant leurs objectifs de coûts. Les interventions sur les sites suivants sont programmées entre novembre et mars 2023.

Le succès tient à l’approche déployée : la gestion de projet repose sur une définition rigoureuse des étapes avec systématiquement une check-list précise des points à valider, plus ou moins longue selon la complexité du projet. Outre une méthodologie éprouvée, EFESO propose un accompagnement comprenant la réception, avec l’industriel, de ses nouveaux équipements de production et le suivi de ses équipes au cours de leur formation. Et dans les cas où les entreprises sont déjà rompues à la gestion de projets, elles s’initient à des façons de travailler plus efficientes. Au lieu de se succéder au gré des phases d’un projet, leurs services (achats, qualité, maintenance, production...), collaborent, et ce dès le démarrage, afin de partager leurs retours d’expériences et leurs savoir-faire.

Les données au service de la sobriété

Le volet technologique, aussi, fait partie intégrante des moyens d’action au service de la réindustrialisation. Mais là encore, le regard change. Pas question d’investir dans la technologie pour la technologie.

L’heure est à l’industrie 4.0. Celle qui valorise la collecte des données de production afin de mieux calibrer les process et ainsi de limiter le gaspillage des matières premières et de l’énergie. Un effort nécessaire en ces temps d’incitation à la sobriété. Si les gains attendus sont économiques et environnementaux, ils sont aussi humains et marketing. « Les nouvelles générations sont extrêmement sensibles au positionnement environnemental des entreprises, pointe Roberto Maroncelli, avant de poursuivre, et l’industrie n’est pas perçue comme particulièrement en avance sur ces sujets. »

L’occasion de redorer l’image du secteur en donnant à voir l’usine de demain, digitale et moderne. Autant d’arguments pour recruter et fidéliser ; deux fonctions, presque deux missions, à l’heure où les C.V. sont disputés.

La réussite d’un projet de réindustrialisation passe aussi, parfois, par la redéfinition des schémas directeurs industriels. Un terme qui englobe différentes opérations : définition du nombre de sites de production, localisation, sécurisation de la chaine d’approvisionnement, choix de nouveaux axes de partenariat avec les fournisseurs voire croissance externe...(cf encadré sur la Refonte des schémas directeurs industriels) «

Depuis quelques années, bon nombre d’acteurs sont dans une logique de relocalisation de leurs activités de production en France. Leur premier objectif est opérationnel : il s’agit, pour eux, de sécuriser leur chaine d’approvisionnement en ces temps où le coût du transport international a explosé avec la crise Covid et où l’incertitude sur le plan politique est forte aujourd’hui ; rapprocher les sites de production signifie aussi raccourcir les délais. Le second bénéfice est évidemment marketing car le made in France a indéniablement la cote », analyse Roberto Maroncelli. Cette évolution est aussi la conséquence de l’action des pouvoirs publics qui encouragent, à coups de plans de relance et d’aides, l’investissement français et étranger dans l’industrie sur notre territoire.

La prochaine étape consiste, selon certains observateurs, à faire davantage travailler ensemble PME industrielles et start-up. Les premières gagneraient à enrichir le contenu et la valeur ajoutée de leurs produits, les secondes profiteraient d’un savoir-faire capable de les accompagner jusqu’à la phase de production. Prometteur quand on sait qu’il existe 1 800 ETI et pas moins de 5 000 PME industrielles en France.

Cas client: accompagnement humain dans le cadre d’une réorganisation industrielle

Aucun retour en arrière, pas même une inflexion de stratégie à l’issue de cette réorganisation industrielle menée en 8 mois seulement. Pourtant, il s’agissait de convaincre 400 salariés employés dans 5 sites européens d’adopter un nouveau schéma industriel, En effet, leurs deux entreprises de services pour l’industrie automobile (250 à 300 M€ de CA pour le nouvel ensemble) ont fusionné. Finalité de l’opération : passer d’une organisation par pays où certaines entités devenaient redondantes, à une structure par métiers. Questions voire réticences ont logiquement émergé. La qualité de l’accompagnement humain a été (la) clé. Elle s’est appuyée sur une méthode, un calendrier et un encadrement. Première précaution : ne pas précipiter les événements afin de donner le temps aux équipes de se projeter dans la nouvelle organisation ; il a aussi été fait appel à des consultants coach certifiés avec une expérience de cette industrie afin de parler le même langage.

Enfin trois étapes ont été respectées : l’organisation d’ateliers pour construire collectivement le scenario du changement, l’accompagnement individuel des managers afin de connaitre leur niveau d’adhésion à la future organisation. Pour finir, l’appui concret lors des rituels de management ou de communication. L’objectif ici ? Amener chacun à s’exprimer sur différents enjeux, à commencer par les bénéfices attendus pour l’entreprise et le sens espéré sur le plan personnel de la réorganisation. Et identifier les points de friction pour mieux déminer les situations à risque.

Cas client: Greenfield 4.0

Fin 2020, cette entreprise française du secteur « MedTech » (entre 200 et 500 M€ de CA) signifie sa volonté de bâtir sa nouvelle usine en rupture avec les modèles traditionnels. Une usine à la fois smart et agile, différente de celles qu’elle possède déjà dans 4 pays du monde. EFESO lui livre un projet finalisé à l’été 2022.

Le maitre mot du chantier de construction, qui démarrera fin 2022 dans la région Hauts-de- France pour s’achever dans un an, est l’anticipation. Ici, ce n’est pas seulement l’organisation physique, celui de l’agencement des lignes de production, qui structure l’espace de ce site prévu pour accueillir 300 salariés. Le modèle de données sous-jacent, la gestion end-to-end de la donnée tout au long des étapes de la chaîne de valeur, sont au moins aussi déterminants. En corollaire, certains process qui ne l’étaient pas seront digitalisés afin d’accélérer le temps de traversée des produits fabriqués, mais aussi de fiabiliser l’output de ces process, comme le contrôle qualité par exemple.

Après le smart, l’agile. La future usine est pensée de manière dynamique et modulaire, dans la limite du raisonnable ; les machines ne sont pas déplaçables à volonté et les équipes ne sont pas polyvalentes à l’infini ! Néanmoins, le projet est de construire une structure capable de s’adapter – toujours anticiper – à l’évolution de l’entreprise, à ces variations de volumes de production et à celles de son mix produits.

*Source : France Stratégie, Les politiques industrielles en France – Evolutions et comparaisons internationales, rapport publié en novembre 2020.

Les auteurs

Roberto Maroncelli

Roberto Maroncelli
Managing Director France

Jean-Marc Giraudeau

Jean-Marc Giraudeau
Vice President

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